Plan France Très Haut Débit : rendez-vous manqué pour la fibre

Par Yann Daoulas modifié le 30/11/2020 à 10h58

L'objectif de 80% de locaux raccordables en fibre optique en 2022 ne pourra pas être tenu, prédit le dernier Observatoire du THD publié hier. Sauf mesures d'accompagnement qui paraissent de plus en plus hypothétiques.

L'un des objectifs-phares du plan France THD risque fort d'être enterré, ont prévenu hier collectivités et industriels. Apporter la fibre optique à 80% des locaux du territoire d'ici à fin 2022 était encore jugé jouable il y a un an. Depuis, le Covid est passé par là, et surtout un chiffrage plus réaliste du nombre de foyers et entreprises à couvrir. Appelé à l'aide, le gouvernement n'a globalement pas beaucoup de solutions à apporter et préfère maintenir le cap sur la tête de gondole du plan, le Très Haut Débit pour tous en 2022.

5 millions de locaux en plus

La fibre en 2020, ce sera pour 79% des locaux au mieux. L'avertissement s'appuie sur de nouveaux éléments quantifiés dans l'observatoire du THD 2020, coproduit par InfraNum, l'Avicca et la Banque des territoires. Primo : la crise sanitaire coûtera au total 1,5 million de lignes de fibre optique non déployées cette année et la suivante.

Impact du Covid-19 sur le déploiement de la fibre optique

Deuxio : l'estimation du nombre total de locaux dans le pays à fin 2022 enfle à 41 millions, et non plus 37 millions. Une évolution sensible qui bouleverse le scénario, quand bien même, malgré l'effet Covid, les prévisions de déploiement à fin 2022 ont elles aussi été revues en hausse (+2 millions) comparé à l'étude publiée il y a un an.

Observatoire THD : prévisions de déploiement de la fibre optique

Source : Observatoire du THD 2020 - InfraNum / Avicca /Banque des Territoires

Cette augmentation significative du nombre de locaux a, au passage, donné lieu à une mise au point de la part de Sébastien Soriano. "Le référentiel a toujours été le même depuis le début", a tenu à souligner le président de l'Arcep à l'intention des voix s'élevant contre un "changement des règles du jeu". Un argument dont ne veut pas entendre parler le régulateur à l'heure, notamment, de jauger le respect des premiers engagements des opérateurs privés en zone AMII en fin d'année. En particulier, a-t-il prévenu, "cela va être compliqué d'être constructif" sur la renégociation des calendriers pour tenir compte de l'impact de la crise, si dans le même temps les opérateurs concernés ne font pas un "geste fort". Celui de proposer "très rapidement" des offres de détail destinées aux particuliers et professionnels raccordables à la demande. Une situation dans laquelle, à fin 2020 sur les quelque 3 000 communes concernées par ces engagements, ils doivent être en capacité de souscrire un abonnement de fibre optique (avec raccordement sous six mois). Et non pas être comptabilisés comme des "raccordables fantômes".

Des mesures que l'on ne voit pas venir

Pas de 80% fibre à fin 2022, donc, à moins que... Collectivités et industriels ont, une fois de plus, détaillé la panoplie de mesures qui permettraient de débloquer en partie le déploiement. Sans que le ministre chargé de la Ville et du logement Julien Denormandie ne puisse leur donner de réels gages. Que ce soit sur l'utilisation des poteaux Enedis pour le raccordement, ou sur l'absence de Base adresse nationale, l'intéressé en reste aux déclarations d'intention. Quant à la possibilité de se passer du vote de l'AG de copropriété pour accéder aux colonnes montantes des immeubles, fin de non-recevoir : le ministre ne veut "pas d'entrée sans voie démocratique". Pas vraiment de perspective, donc, pour les "centaines de milliers de lignes" que les auteurs de l'étude jugent bloquées par ces freins opérationnels.

Et pas plus de succès sur la généralisation de la fibre d'ici à 2025. Pour une "France fibrée à 97%", les auteurs de l'observatoire calculent que 680 millions d'euros d'aides d'Etat sont nécessaires afin d'accompagner les derniers territoires à couvrir. Mais Julien Denormandie l'a réaffirmé : l'exécutif n'entend pas aller plus loin, pour l'instant, que les 280 millions promis il y a quelques mois.

S'agissant de la qualité des ouvrages, enfin, pas grand chose à se mettre sous la dent non plus. La filière parvient à remplir ses centres de formation mais table sur des besoins encore plus important à l'avenir. Elle réclame ainsi "un support massif de communication par l'Etat pour faire connaître les métiers de la fibre". Les difficultés de recrutement dans les études et la conception sont mises en avant, mais des professionnels qualifiés seront aussi indispensables pour assurer la qualité des déploiements et des raccordements. La pomme de discorde du modes Stoc, notamment, entre collectivités, opérateurs d'infrastructure et FAI, est loin d'être réglée. L'Arcep a certes accompagné les réflexions sur le problèmes posés par le mode Stoc, qui n'est de son point de vue "pas négociable". Son action visait à "clarifier la chaîne de responsabilité dans laquelle l'opérateur d'infrastructure à tous les outils pour faire la police", résume Sébastien Soriano. Mais, prévient-il, il ne faudra rien attendre de plus du régulateur :  la balle est désormais dans le camp des acteurs du déploiement, appelés à se "mobiliser durablement" pour assurer la qualité des prestations.

Cap sur le 100% THD

Si l'objectif du 80% fibre semble avoir du plomb dans l'aile, le ministre l'a réaffirmé : ceux de bon haut débit pour tous (8 Mb/s minimum à fin 2020, puis 100% THD (30 Mb/s) à fin 2022 seront tenus. Comme prévu, les technologies hertziennes sont invitées à venir pallier les carences du filaire. THD Radio, satellite... et surtout les box 4G, dont le potentiel a été rappelé tour à tour par Julien Denormandie et Sébastien Soriano. Les accès Internet fixe s'appuyant sur le réseau mobile des opérateurs nationaux vont "participer de manière significative" à l'objectif de Bon haut débit en 2020, a ainsi pronostiqué le président de l'Arcep, estimant qu'il s'agit à cet égard de la "technologie la plus prometteuse". S'agissant de son potentiel de couverture THD à plus long terme, l'officialisation de la liste des 1 000 sites qu'Orange et SFR se sont engagés à implanter pour le service box 4G se fait néanmoins toujours attendre.

L'observatoire réclamait un soutien accru notamment au THD Radio en prolongeant jusqu'en 2030 les autorisations d'utilisations des fréquences dédiée après 2026. Des espoirs douchés par le régulateur, pour qui cette technologie est transitoire et vouée à le rester. Elle "s'inscrit dans une fenêtre de tir", dans l'attente de la généralisation de la fibre, a-t-il souligné, ne jugeant "pas souhaitable d'aller vers une prolongation des autorisations" au-delà de 2026. La 5G en 3,5 GHz se verrait ensuite chargée d'assurer la continuité de service. Une date de péremption relativement proche, donc, qui risque de dissuader les collectivités d'investir dans le THD Radio. Et celles qui le souhaitent ne devront pas traîner : alors qu'un report lui était là aussi demandé, l'Arcep maintient la date limite du 15 septembre pour lui signaler des velléités en ce sens, et ainsi espérer obtenir des fréquences.

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