Déploiement fibre et mobile : le gouvernement veut maintenir la pression sur les opérateurs

Par Yann Daoulas modifié le 10/09/2020 à 10h12

Auditionné au Sénat, Julien Denormandie a prévenu que le Covid-19 ne devait pas devenir un "prétexte" aux éventuels retards de déploiement des réseaux Très Haut Débit fixe et mobile.

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"Maintenir une très forte pression dans le tube" : l'un des gimmicks préférés du ministre de la Ville et du Logement, en charge aussi des questions d'aménagement numérique. Et qu'il a martelé hier face aux sénateurs inquiets de l'impact du Covid-19 sur les échéances de déploiement des réseaux Internet fibre et mobile. Le gouvernement n'acceptera ainsi que les retards "dûment justifiés" par les opérateurs, a prévenu Julien Denormandie, tout en réaffirmant le cap du Très haut débit pour tous en 2022.

Un cadre mais pas une règle

C'est la crainte formulée par les membres de la Commission sénatoriale au développement durable : que les opérateurs ne s'abritent derrière la crise sanitaire pour se dérober à leurs engagements de déploiement. Et ils en ont plusieurs : fin juin 2020 pour la couverture ciblée en téléphonie mobile de plusieurs centaines de zones, dans le cadre du New Deal Mobile. Accord qui prévoit aussi la généralisation de la 4G sur tous leurs sites d'ici à la fin d'année. Sans oublier, pour Orange et SFR, la desserte en fibre optique de quelque 12 millions de locaux en zone AMII, toujours à fin 2020.

Questionné par les sénateurs, le ministre renvoie aux ordonnances du printemps traitant de la question des délais. Lesquelles permettent de décaler de trois mois et demi, au maximum, les projets affectés par le confinement pour échapper aux pénalités de retard. Voilà pour le cadre, mais Julien Denormandie ne veut pas en faire une règle : "Si au titre des contrats, les ordonnances permettent de décaler au maximum de 3 mois et demi, je pense qu’au titre du contrôle et des engagements pris devant l’Arcep, il n’est pas justifié de décaler de 3 mois et demi pour tous les projets". En tout état de cause, répond-il à un élu inquiet de dérapages plus importants, "il n’est pas question, d’aucune manière que ce soit, qu’il y ait des retards de 12 mois", comme cela a pu être évoqué au début de la crise.

Les engagements des opérateurs à la loupe

Raison pour laquelle les opérateurs sont invités par le gouvernement à dresser un état des lieux de leurs déploiement d'ici à la mi-juin, indique le ministre. Les éventuels retards constatés, sur la fibre comme sur le mobile, devront y être "dûment justifiés et étayés", ajoute-t-il, souhaitant "absolument que la pression dans le tube puisse être maintenue".

Si la généralisation de la 4G sur tous les sites mobiles des opérateurs semble moins affectée, la concrétisation du dispositif de couverture ciblée suscite l'inquiétude des élus. Un premier rendez-vous est prévu fin juin pour jauger l'avancement des 485 premiers sites mobiles prévus dans ce cadre. Sur ce total, 120 ont déjà été mis en service, dont 52 pendant la période de confinement, détaille le ministre pour souligner l'implication des opérateurs. Si l'on semble loin du compte, poursuit-il, c'est que la finalisation de nombreux chantiers a été empêchée par la crise sanitaire. Mais si son impact ne suffit pas à justifier les délais, "ma main ne tremblera pas", tient-il à affirmer, à la grande satisfaction des sénateurs.

Subventions THD : fluidifiées mais pas amplifiées

Le gouvernement se place ainsi sur la même ligne que celle ébauchée il y a 15 jours par Sébastien Soriano, et qui avait valu à ce dernier les foudres de la Fédération française des télécoms. Et non seulement l'exécutif entend-il tenir la bride courte aux opérateurs, mais il compte aussi cravacher. Julien Denormandie énonce ainsi l'"objectif de pouvoir, le plus vite possible et en tout état de cause avant la fin de l’année retrouver le rythme de déploiement aussi soutenu qu’il ne l’était avant le début du Covid-19".

Opérateurs et collectivités ne demandent pas mieux, mais comment ? A cet égard, on n'en saura guère plus que ce qui a été annoncé la semaine dernière lors des Etats généraux des RIP. Une fluidification des versements FSN, c'est-à-dire des subventions France THD, qui pourrait prendre la forme d'un acompte de 100 millions d'euros, a précisé hier le ministre. Pas question, en revanche, de débloquer a priori les quelque 700 millions d'euros réclamés par les collectivités pour boucler les derniers projets de réseaux publics en fibre optique. L'exécutif s'en tient à sa "technique budgétairement solide" consistant à chiffrer les besoins au plus près des dossiers qui lui sont remontés, quitte à priver les territoires de visibilité à long terme.

Sur le plan opérationnel, Julien Denormandie se dit en outre disposé à réexaminer certains points de blocage. Il convient ainsi de la nécessité de rouvrir le dossier de l'adressage, et d'aller plus loin sur la question des poteaux Enedis, que la modification de l'arrêté de juillet dernier n'a manifestement pas permis de régler.

S'agissant du mobile, en revanche, le ministre ne se dit pas favorable à une nouvelle salve de simplifications administratives au-delà de la loi Elan. Sa crainte est que les démarches accélérées qui pourraient en découler ne soient perçues par la population comme des passages en force, générant in fine blocages et délais plus conséquents encore.

Les objectifs maintenus

Et si le tube doit rester sous pression, c'est pour tenir les délais du plan France THD : Julien Denormandie affirme ainsi que l'objectif de 2022 - Très Haut Débit pour tous dont 80% en fibre - reste en vigueur.

De même que celui du bon débit pour tous, assigné pour fin 2020. Pour pallier les lacunes de la desserte filaire, les 8 Mb/s promis pourront être atteints via les solutions hertziennes : box 4G, ou encore THD Radio ou satellite... pour ceux qui en feront la demande. Julien Denormandie estime malgré tout que les particuliers qui y recourent sont soumis à une double peine : de moins bonnes performances qu'en fibre, tout en devant payer plus cher pour s'équiper. Le gouvernement souhaite y remédier en élargissant le guichet de Cohésion numérique. Un dispositif doté de 100 millions euros et "pas utilisé autant qu'il peut être utilisé", convient le ministre, qui n'a néanmoins pas précisé les modalités de ce coup de pouce supplémentaire aux oubliés du débit.

 

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