Orange contre Arcep : menace sur le déploiement THD ?

Par Yann Daoulas modifié le 09/09/2020 à 14h17

Orange a saisi le conseil d'Etat pour contester le pouvoir de sanction de l'Arcep. Laquelle ne pourrait alors plus contraindre les opérateurs à respecter leurs engagements de déploiement.

deploiment-fibre-optique

Alors qu'il semblait (enfin) sur de bons rails, une initiative d'Orange pourrait plomber sa trajectoire. L'opérateur historique a en effet déposé devant le Conseil d'Etat une requête portant sur une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Son objet : faire annuler une mise en demeure émise par l'Arcep, selon les informations obtenues par Le Monde.

Si Orange parvient à ses fins, son action serait lourde de conséquence, puisqu'elle reviendrait à priver l'Arcep de son pouvoir de sanction. Ce alors que se profilent les premières échéances de déploiement de la fibre optique et de la 4G, sur lesquelles les opérateurs ont pris des engagements juridiquement contraignants.

Mis en demeure par l'Arcep, Orange contre-attaque

Dans le détail, le quotidien du soir indique que l'action d'Orange porte sur une mise en demeure notifiée par l'Arcep le 18 décembre dernier. Soit celle portant sur la qualité de service de ses offres de gros sur le réseau cuivre. A moins qu'il ne s'agisse de la mise en demeure portant sur la complétude des déploiements FttH, elle aussi notifiée fin décembre 2018 à Orange, sans que l'on n'en connaisse précisément la date. Ni le contenu d'ailleurs, puisque cette mise en demeure n'a pas été officiellement publiée par l'Arcep. Nous avions néanmoins à obtenir plus de détails auprès de l'opérateur.

Quoi qu'il en soit, Orange estime qu'en étant à la fois chargé d'édicter les règles du marché et d'imposer des sanctions aux contrevenants, l'Arcep contrevient aux principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'impartialité.

 

Engagements de déploiement : lettres mortes ?

Une doléance, qui, si elle était entendue, reviendrait à priver le régulateur de ses pouvoirs de coercition. Une éventualité pas si implausible, puisqu'en 2013, déjà, une initiative similaire de la part de Numéricable avait durablement neutralisé l'Arcep. Il y a donc bel et bien un risque de la voir à nouveau perdre son arsenal de dissuasion à un moment crucial, celui où les pouvoirs publics étaient enfin parvenus à arracher aux opérateurs des engagements contraignants sur le déploiement de la fibre optique et la 4G. Sébastien Soriano ne masque pas son inquiétude : "La procédure peut faire s'effondrer toute la crédibilité des engagements contraignants pris par les opérateurs pour déployer la fibre et la 4G - auprès du gouvernement, des collectivités, des consommateurs...", déclare ainsi le président de l'Arcep aux Echos.

Les premières échéances sont fixées à fin 2020, date à laquelle Orange et SFR devront avoir - quasiment - bouclé le déploiement FttH en zone AMII. A cet horizon, également, les quatre opérateurs de réseau ont promis d'avoir généralisé la 4G grâce à l'accord New Deal. Sans parler des obligations de complétude des déploiements, qui visent à ne laisser aucun foyer au bord de la route de la fibre, ou des très controversées AMEL... Sans parler des obligations qui accompagneront les futures attributions de fréquences 5G...

 Autant d'engagements dont la vérification est confiée à l'Arcep, fondé à prononcer de lourdes amendes en cas de manquement. Jusqu'à 5% du chiffre d'affaires, une sanction plutôt dissuasive. C'est d'ailleurs ce que risque Orange dans les autres dossiers sur lesquels il a été mis en demeure par le régulateur, comme le rappelle un bilan du Sénat.

Inquiétudes et arrière-pensées

Libérés de cette menace, les opérateurs auraient donc tout le loisir de faire faux bond aux utilisateurs comme aux pouvoirs publics. La procédure n'en est qu'à ses débuts et n'aboutira peut-être pas. Il n'empêche, l'inquiétude est palpable l'inquiétude est palpable. L'Avicca, association des collectivités pour le numérique, craint ainsi de voir se réaliser le scénario du pire. Elle qui "n'a eu de cesse de marteler depuis des mois la fragilité des engagements dits 'L33-13'", juridiquement contraignants, formulés par les opérateurs, rappelle son président Patrick Chaize.

"Si l'Arcep perdait son pouvoir de sanction, elle ne le retrouverait pas avant 2022 au mieux", prévient encore le Sénateur de l'Ain. Rien moins que l'horizon du plan France THD. Et Orange a beau assurer que son initiative ne remet pas en question ses engagements, difficile d'imaginer que cette initiative ne s'accompagne d'aucune arrière-pensée. "Je suis extrêmement perturbé par une procédure qui ne peut avoir pour objectif que de déstabiliser l'Arcep", confie ainsi le patron de l'Autorité. Si ça n'est pas la guerre, ça y ressemble fort...

 

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